Photo Alpagas

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jeudi 27 août 2015

Dany le nain - épisode 3



 LE CARNET DE VOYAGE DE DANY LE NAIN – EPISODE 3

Enfin ! Je suis arrivé…
Le voyage en bateau a été infernal, et j’ai bien cru que je n’en ressortirai pas entier… Pour que vous compreniez l’horreur que j’ai vécu pendant ces 27 jours serré dans un petit tiroir en bois, moi qui ai le mal de mer, je vais vous raconter ce qui s’est passé. Le camping-car a embarqué dans le cargo le 30 juillet au port d'Anvers en Belgique. Et, sans me demander mon avis, ils ont décidé que je ne prendrai pas l’avion avec eux (et après ils osent dire que  je fais partie de la famille !) mais que je resterai dans le camping-car pendant la traversée. Ils m’ont donc installé dans un tiroir de la cuisine dont ils ont tapissé les murs de papier bulles. Heureusement, le tiroir était plutôt profond. En le voyant, la première chose qui me vint à l’esprit fut que je serai bien installé et que j’aurai de la place. « Enfin une petite attention de leur part ! me suis-je dit. » Et je me suis laissé installer. Je ne tenais pas debout, ils m’ont donc installé sur le dos, ne se doutant bien sûr pas que, mon socle étant rond, je pouvais rouler sur le côté pendant des heures s’ils ne me calaient pas avec un autre objet. Ils ne m’ont pas calé. Évidemment. Puis  ils ont fermé le tiroir et m’ont laissé seul avec moi-même, dans le noir. Je suis donc parti à l’aveuglette à la découverte de la « maison » qu’on m’avait attribuée. Je me suis laissé rouler vers le fond du tiroir, et au lieu de toucher la paroi comme je l’avais espéré, je me heurtai à une pile de coupelles et une espèce de pot en porcelaine avec un couvercle. Après deux ou trois minutes de recherches plus approfondies, j’en déduisis que ce récipient devait sûrement être un sucrier. N’ayant rien trouvé d’autre, je me laissai rouler jusqu’à l’autre extrémité du tiroir, en profitant au passage pour m’enfoncer une énorme écharde dans le pouce de  la main droite. Je tentai de l’enlever, mais, n’ayant pas d’ongle, je n’y parvins pas. Et bien sûr, ces benêts n’avaient même pas pensé à me laisser une pince à épiler à portée de main, non… De toute façon, quand ça me concerne, ils oublient toujours tout ! Bon, je m’emporte un peu… C’est vrai qu’une pince à épiler n’est pas forcément un objet de première nécessité, surtout lorsqu’on est un nain de jardin, mais bon… Quand même. Ils auraient pu y penser. Ils auraient . Me sachant avec beaucoup de temps à tuer devant moi, je décidai d’en profiter pour tenter  de me rappeler la blague du fou qui repeint son plafond. Au bout de vingt minutes de recherches inutiles, je m’endormis.
Les jours qui suivirent se passèrent sans encombre. Si ce n’est que je fus rattrapé par ma peur du noir et mon mal de mer ( je découvris d’ailleurs une fonction très utile aux coupelles du fond du tiroir : sacs à vomi ), que je ne cessai pas une minute de rouler entre les deux extrémités de mon habitat à cause des secousses, que j’eus peur à chaque seconde que le bateau chavire ( ça doit être à force de regarder le film Titanic en boucle ), que le sucrier se cassa en trois morceaux à force de se balader comme moi d’un bout à l’autre du tiroir, et que je me suis rendu compte qu’une mouche était restée prisonnière du meuble et que son bourdonnement m’ait légèrement tapé sur le système. Mais bon. Relativisons. Je ne craignais plus rien. Ça ne pouvait pas être pire.
Ce fut le dernier jour qui m’acheva. Alors que je vomissais sans interruption, je fus attiré par un bruit venu de l’extérieur. Un bruit de serrure. De serrure que l’on force. La serrure d’un camping-car. Notre serrure. Puis il y eut des bruits de pas à l’intérieur, et des voix d’hommes. Ils étaient plusieurs. J’entendis les intrus ouvrir les placards, soulever les coussins. L’un d’entre eux monta dans le lit de Victor, souleva les couvertures. Les hommes parurent déçus. Ils semblèrent ne rien trouver. J’entendis un bruit de vaisselle cassée. L’un d’eux ouvrit mon tiroir, et ma mouche en profita pour s’envoler. Tout ce dont je me rappelle, c’est qu’il était très laid, avec un grand nez et les cheveux roux. On aurait dit un pirate. Je me suis immobilisé au fond du tiroir. Une secousse me fit rouler vers l’autre côté. Il me vit. Puis il éclata d’un rire tonitruant et dit : “Ah, der Französisch! Sie haben nichts anderes zu tun, um Zwerge zu tragen? Das ist das letzte, was ich zu enziehen!“ *.  Et il referma le tiroir. Ils continuèrent à fouiller pendant une dizaine de minutes, puis partirent.
Quand le cargo arriva au port de Montevideo, sa destination finale, et que l’on en sortit le camping-car, je poussai un long soupir, et me jurai de ne plus jamais remettre les pieds sur un bateau.

*Ah, les français! Ils n'ont que ça à faire de transporter des nains ? C'est bien la dernière chose que je volerai !


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