LE CARNET DE VOYAGE
DE DANY LE NAIN – ÉPISODE 21
On a beaucoup avancé. Je n’ai pas
beaucoup eu le temps d’écrire ces derniers jours.
On est arrivés aux salines. C’est
comme un désert de sel, tout est blanc à perte de vue. Ça fait au sol des
sortes d’alvéoles de sel, de petits monticules.
On s’est bien amusés, tous
ensemble, à prendre des photos.
Les enfants sautaient, et leur ombre sur le
tapis blanc prenait une drôle de forme sur la photo. C’était très joli. Moi,
bien sûr, je n’ai pas pu sauter ! Puisque je suis censé n’être à leurs
yeux qu’une petite statuette immobile… Ça, ça a commencé à me faire un peu
râler, mais je me suis dit « attention, Dany, ne t’énerve pas, reste
calme, Dany… ». J’ai cherché à penser à autre chose. La blague du fou qui
repeint son plafond ! Voilà une chose intelligente à laquelle
réfléchir !
J’ai voulu essayer de me la
rappeler. C’est à ce moment là qu’ils m’ont sorti du sac, et m’ont posé par
terre. Je cherchais la blague, sans relâche, mais rien ne me venait ! Je
cherchais encore : « c’est l’histoire d’un fou, et le fou y… non,
c’est l’histoire d’un fou qui, euh… et là, y’a un autre fou qui arrive, et y
lui dit… euh… ». En vain. Rien ne me revenait. Je commençais à être
vraiment très énervé… Mais vraiment très très très énervé… Quand Audrey est
arrivée et m’a pris pour me remettre dans le sac, ça a été la goutte d’eau qui a
fait déborder le vase ! Je rentrai dans une colère intérieure
terrible ! J’avais envie de balancer un énorme coup de pied dans le sel,
de frapper un mur (mais aucun en vue, malheureusement)… La blague ne revenait
pas, et on m’enfonçait plus profond encore dans ce sac puant… J’eus envie de
frapper dans quelque chose, de me défouler… Je tentai de me calmer « Dany,
ne t’énerve pas, c’est inutile… ». La frustration bouillonnait en moi, la
blague ne me revenait pas… «La violence ne résout rien… » Et la colère qui
montait… « Jeux de nain, jeux de vilain… ». Et le zip de la fermeture
du sac se fit entendre. J’étais enfermé.
Pendant les jours qui suivirent,
j’étais très énervé. Et eux, ils étaient là, à sourire, tout béats…Ça m’a mis
en rogne, vous ne pouvez pas imaginer !
Un jour qu’on roulait - comme
d’habitude - le camping-car s’est arrêté sur le bord de la route - très
brusquement ; en même temps, ça se saurait si Sylvain avait une conduite
fluide… S’il s’est arrêté, c’est qu’on se trouvait pile sur le tropique du
capricorne, comme l’indiquait un panneau, planté au bord de la route (et puis
eux, ils ont trouvé ça rigolo, c’est vrai que c’est cocasse, quand même, être
pile dessus…) donc ils se sont arrêtés. On est descendus du camion. Ils ne
m’ont pas oublié, merci bien… Là a commencé une petite explication culturelle
bien barbante. « Vous savez, les enfants, on vous avait raconté, pour
l’équateur, qui sépare la terre en deux parties… ? Et bien le tropique du
capricorne et le tropique du cancer, et bah ils séparent ces deux moitiés
encore en deux. C’est dingue, non ? Et figurez-vous que
gnagnagnagnagna… » Rhooo, ça m’a énervé, ça aussi… et les enfants qui
écoutaient en hochant la tête, tout sages…
Vous savez quoi, ça m’a tellement
écœuré, toute cette bonne humeur, que j’ai même pas envie de vous raconter le
reste… Surtout si c’est pour entendre « Oh, tu te rends compte, ce petit
nain de jardin, monté à 4170 mètres, c’est diiiingue ! » Non, merci,
j’ai déjà donné.
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